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vendredi 8 janvier 2016

Et si Poutine réhabilitait Lionel Groulx pour de bon ?

Une révolution tranquille « à l'envers » 
en Russie


Une volonté marquée d'ancrer la société dans le meilleur de son passé, que j'appelle la révolution tranquille à l'envers, s'opère en Russie depuis 2010. Cette révolution du bon sens  suscite un intérêt inquiet de la part des pays occidentaux en perte de repères. Pour ces derniers, le nationalisme est mort, sinon il doit mourir. 

Joueur qu'on attendait pas dans le grand échiquier, la Russie a mis à mal l'idée d'une nation sans histoire et sans transcendance. Une nation ¨défuntisée¨ devenue la nôtre et dont la majorité des souverainistes ne cessent de se réclamer. En revanche, en Russie, une nation qui plonge ses racines dans l'histoire, qui ne tourne pas le dos à son identité, qui porte une vision qui valorise la tradition sans refuser la modernité, cette nation ne serait pas une utopie du XXè siècle. Et ce serait cette vision qui a cours en Russie. Une ¨russitude¨ qui reconnaît des nations avant de reconnaître des territoires. Mais ce n'est pas ce dont nos médias nous abreuvent. Mises à part les oppositions légitimes, sur lesquelles nos médias restent discrets, nous n'avons pour nous forger une opinion déformée que les affres des minorités «sororisées» dont nos médias font grand cas.

Le lecteur qui tire sa seule information de Radio-Canada ou d'autres médias standardisés comme Le Monde, Le Devoir, etc. est un handicapé de l'information. L'internet existe, mais il n'exploite pas ses possibilités. Il sera surpris d'avoir été tenu à l'écart de bien des développements s'il lui advient un jour de percer l'encerclement médiatique. Présumant de sa bonne foi.

Inversement, en gros, la moitié de l'humanité a déjà pris l'habitude de s'alimenter à des sources d'information diversifiées, moins uniformément orientées que celles de la grande presse des pays de l'OTAN, lire Canada. Ils seront déjà mieux outillés. Ils auront déjà une opinion formée au contact d'arguments venus de tous bords, inclusivement sur Vladimir Poutine et la Russie.

*   *   *

Selon l'ifrii, le tournant conservateur russe plairait aux pays d'Asie. Ces pays seraient pour la Fédération de Russie (FR) les partenaires de l'avenir parmi lesquels elle se sent respectée dans ses différences et surtout traitée en égal. Elle est en bonne compagnie avec ces pays qui s'efforcent de conjuguer la modernité avec leur attachement aux traditionsii

Elle-même pays d'Europe, la Russie ne délaisse pas pour autant ses partenaires européens, même quand ceux-ci boudent le dialogue avec elle pour recourir à des sanctions. Piètre diplomatie, les désaccords, aussi nombreux soient-ils, devraient être résolus par voie de négociation, je pense au contentieux ukrainien, etc. La Russie, déjà au centre de bien des enjeux mondiaux, plonge dans la défense du national avec une approche particulière qu'elle assume pleinement. Elle ne se départit jamais d'une défense bien sentie de son indépendance, ce qui fait se tourner vers elle les regards sourcilleux de ceux pour qui la disparition des nations n'est qu'une affaire de temps. Le Québec a certes intérêt à ne pas prendre pour argent comptant la campagne de dénigrement permanent dont la Russie est l'objet dans notre coin du monde, Il faut y regarder de plus près.

Cette révolution tranquille à l'envers que rien n'annonçait est d'autant plus inusitée qu'elle survient après 70 ans de socialisme «scientifique», qui s'est traduit par une dénationalisation menée de main de fer par les bolchéviques, dont la composition ethnique était plus juive que russe, selon l'oeuvre jamais démentie d'Alexandre Soljenitsyne. Une idéologie basée sur le matérialisme, la primauté de l'économie, le dirigisme culturel, le remplacement de la religion et de la tradition par l'éducation laïque et la volonté de construire un «homme nouveau» débarrassé des «préjugés». Pas étonnant qu'une source d'inspiration des révolutionnaires russes coulait de la révolution française. 

Le renforcement du national en Fédération de Russie est très intéressant à observer du fait que ce pays possède une diversité ethnique qui n'est dépassée que par celle de l'Inde. La grande diversité ethnique et linguistique de la Russie ne semble pas être un poids pour elle. À preuve, elle n'aurait pas freiné un consensus social conservateur qui ne fait que s'affirmer autour des valeurs patriotiques. Le respect des minorités nationales, une tradition russe qui remonterait à la tradition tsariste, contraste avec la tradition anglo-saxonne subie par les Canadiens-Français. Deux mondes. La popularité de Vladimir Poutine, jamais démentie, incarne le phénomène de relative unité que vit présentement la Fédération de Russie. Le conservatisme social, le conservatisme pragmatique et le pragmatisme conservateur de Poutine, trois appellations couramment utilisées, forment donc un socle politique de rassemblement. Il semble promis à durer. 

Dans sa lettre «La question russe», en janvier 2012, au cours de la campagne électorale, Poutine écrivait : 
« L'auto-identification du peuple russe, c'est une civilisation multiethnique unie par le noyau culturel russe».iii 
Une citation transmise par Léonid Poliakov, qui enchaîne avec ce commentaire à propos de Poutine :
«Au fond, il formule ainsi une ¨troisième voie¨, située entre le projet multiculturel occidental, dont Poutine estime qu'il a échoué, et le défi alternatif d'un ¨État national¨ qui serait fondé ¨exclusivement sur l'identité ethnique¨.»iv 
Pour Pliakov, Vladimir Poutine considère son conservatisme 
«comme une vision politique et morale du monde cohérente et pleine de bon sens. C'est sur cette base qu'il a fondé sa campagne électorale de 2011-2012 et sa stratégie de développement jusqu'en 2025...»
Lors des rencontres annuelles du Club Valdaï, en 2014, Poutine poursuivait de la façon suivante : 
«Pour que la société existe, il convient de soutenir des choses élémentaires que l'humanité a élaborées au cours des siècles : c'est le respect de la maternité et de l'enfance, le respect de notre histoire et de ses accomplissements, le respect de nos traditions et des religions traditionnelles»v
À la lumière de tout ceci, en viendra-t-on à considérer Lionel Groulx comme un visionnaire dont l'heure n'était pas encore venue? 

Il a certes combattu une forme de modernité aguicheuse et illusoire, une menace dont il nous entretenait notamment dans sa lettre à Jean Éthier-Blais «Sur les dangers de l'influence américaine».vi Un filet dans lequel se sont pris plusieurs intellectuels d'avant-garde, vantant comme un progrès indépassable de faire table rase, jugeant à jamais dépassé l'héritage spirituel (spirituel au sens profane comme au sens transcendant) de Lionel Groulx sur le petit peuple francophone d'Amérique.

Dans la présentation du dossier Lionel Groulx, publié par les Cahiers d'histoire du Québec au XXè sièclevii, Benoit Lacroix et Stéphane Stapinsky expliquent :
«Les citélibristes et certains nationalistes (notamment ceux d'extrême gauche) allaient prendre le relais au cours des années 1950 et 1960. Pour plusieurs souverainistes des années 1990, la figure de Groulx fait problème. Il leur semble que, en réponse aux accusations de «racisme» et de «fascisme» qu'on adresse tant de l'intérieur que de l'extérieur à la société québécoise (et en particulier au mouvement nationaliste), il leur faille prouver à tout prix à la face du monde qu'ils ne sont pas coupables, eux «modernes», de ce qui leur est reproché; pour ce faire, ils insisteront donc sur une rupture radicale entre la société d'autrefois et la nôtre et s'en prendront publiquement à ce Québec obscurantiste d'avant 1960 et au symbole du racisme et du fascisme de l'ancien régime que serait à leurs yeux Lionel Groulx. Une manifestation récente de ce nouveau rituel peut être relevée chez Gérard Bouchard.»
Plus loin, les auteurs nuancent en citant quelques noms, parmi eux, à gauche, Pierre Falardeau, Gaston Miron, Andrée Ferrettiviii, qui ont accepté 
«de nouer un dialogue avec Groulx». 
Ils finissent par demander avec raison qu'on tourne la page à cet infantilisme 
«qui fait que, pour certains, il paraît impossible de se reconnaître dans une continuité à moins d'y trouver la trace d'une pureté conforme à nos valeurs actuelles.»ix
On pourrait épiloguer longuement sur l'héritage de Lionel Groulx, mais l'affaire est entendue. On en reviendra donc à ceci. Les arguments de ses pourfendeurs, lorsqu'il s'agissait d'arguments et non de demi-vérités et de falsifications, ont été réfutés avec patience et plus d'explicitations que la plupart des objections n'en méritaientx. Depuis une trentaine d'années, grâce à des intellectuels courageuxxi, tous les arguments pour discréditer Groulx et son oeuvre ont été répudiés d'une façon ou d'une autre; si bien que le dossier Groulx est clair et net. Alors pourquoi parler de réhabilitation de Groulx par Poutine ?

La réhabilitation de Lionel Groulx par Poutine est bien sûr une figure de style. Elle met en évidence le fait que si la joute intellectuelle a été remportée par les nôtres, ils n'ont pas prévalu. La société civile ne l'a pas répercutée par des changements fondamentaux comme en Russie. Le discours politique et le projet d'indépendance, qui restent défensifs, ont continué à freiner des quatre fers pour que survive la mauvaise conscience de notre passé. On refuse de faire à Lionel Groulx une place au panthéon de notre histoire parce que notre élite nationale dite «moderne» a rejeté tout ce qu'il représentait. Il était prêtre catholique et défenseur de la tradition. Et, cocasserie de l'histoire, c'est encore le prêtre catholique qui, depuis la grande noirceur de 1943, leur fera la leçon  : 
«D'où nous vient, qui nous a donné ce goût morbide de nous accuser de tous les péchés, et plus particulièrement de ceux que nous n'avons pas commis.(sic)» xii
Après 60 ans de lutte souverainiste-indépendantiste infructueuse, ne sommes-nous pas rendu au bout du rouleau? Peut-on sérieusement avoir racorni la «civilisation française en Amérique» au point où l'argumentaire des figures montantes ne semble plus considérer que l'enrichissement personnel comme motif central de la cause? Ceci après avoir épuré au fil des ans toute référence à ce que nous sommes et d'où nous venons. Le phénomène de retour aux sources, qui a amené les Russes au succès après 70 ans de dénationalisation violente (clin d'oeil à la dénationalisation tranquille), surtout avant Staline, à recouvrer leur patriotisme, prouve qu'il est possible pour une nation, singulièrement une nation  fondatrice, de recouvrer ses droits fondés sur la continuité historique. 
_______________________
i www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ifri_rnv_90_fr_poliakov_protege.pdf  Le « conservatisme » en Russie : instrument politique
ou choix historique ? , déc. 2015
ii  Japon, Corée du Sud, Taïwan, Singapour, selon ifri
iii  Que penserait-on d'une nation multiethnique unie par le noyau culturel néo-français, canadien français et Québécois?
iv Ifri, p.18
vi  Les Cahiers d'histoire du Québec au XXè siècle, No 8, automne 1997. Sur les dangers de l'influence américaine, 7 décembre 1964, p.175
viii Il faudrait rajouter Michel Chartrand et Simone Monet-Chartrand dont le mariage dut béni par Lionel Groulx
ix Cahiers p.10 ou lien ici
x Pensons ici à la réfutation détaillée par notre sociologue québécois anglo-protestant Garry Caldwell, de la thèse de doctorat d'Esther Delisle http://agora.qc.ca/Documents/Antisemitisme--Le_discours_sur_lantisemitisme_au_Quebec_par_Gary_Caldwell Thèse effectivement couronnée d'un doctorat, à la courte honte de l'Université Laval.
xi Stéphane Stapinsky, Garry Caldwell, Fernand Dumont, Serge Cantin, Nicole Gagnon et bien d'autres
xii «Notre force...» Groulx, Lionel, 1943; cité dans la présentation des Cahiers... No 8    

mardi 29 décembre 2015

Reprise du 22 décembre 2013 - Célébrons Noël, ne soyons pas insensibles

Source : http://service.vigile.quebec/Pour-un-autre-message-de-Noel-de

La laïcité doit-elle conduire les représentants de l’État à se retenir de toute référence envers le culte historique national ? Au Québec, pour des raisons historiques qui ont puissamment contribuées à sa survie d’abord, et à le façonner tel qu’il est ensuite, l’attachement culturel à notre héritage catholique a sa place dans un patriotisme pleinement déployé. La laïcité étant elle-même une idéologie relativement nouvelle, elle n’est pas imperméable aux effets de mode. L’État, qui lui est antérieur et supérieur, s’il en adopte les contours, ne doit pas s’y soumettre entièrement. D’abord parce que l’État laïc ne peut et ne doit pas trop s’éloigner du terreau qui lui a donné naissance et il doit continuer d’agir avec prudence. Ce qui suppose de se méfier des chantres de la « modernité » de la table rase.
État laïc ne veut donc pas dire un État désincarné, strictement bureaucratique, qui n’entrerait en rapport avec les membres de la nation qui le porte que dans un cadre purement juridique. Un État laïc, pour tenir la route de l’histoire, doit être en même temps un État de la continuité, donc un État nécessairement connoté. Cet État « organique », appelons-le ainsi, offre l’avantage indéniable de constituer un facteur de cohésion interne, d’une part, et de résister aux défis et aux menaces de l’extérieur, d’autre part.
Noël, fête de partage est toujours célébrée chez-nous, notre chef d’État ne devrait pas hésiter de souhaiter fièrement un Joyeux Noël à tous les Québécois. Et comme Noël est un enjeu de la laïcité connotée d’un État organique, Pauline Marois pourrait livrer un message qui incarne cette réalité.
Aujourd’hui encore, 22 décembre, on rapporte que 12 personnes auraient été tuées à Deraa en Syrie lorsqu’une attaque des djihadistes a frappé une église.
D’autres violences plus tôt ce mois-ci ont été rapportées à Malaloua lorsque des terroristes djihadistes ont pu prendre pied dans la ville. Les chrétiens comptent pour 10 % de la population de Syrie, 450 000 d’entre eux ont dû se déplacer en raison du conflit.
Si la montée en puissance du fondamentalisme islamique est retracée par plusieurs observateurs dans la géo politique américaine et israélienne, il est clair que, même si l’énoncé précédent peut être nuancé, les populations et les institutions des pays qu’il frappe sont celles qui écopent le plus du radicalisme qui a gagné l’islam sunnite. Il est de notoriété que la vaste majorité des coups d’Al Qaida et du terrorisme djihadiste frappent d’abord et massivement les populations innocentes du Proche et Moyen-Orient. Il ne faut pas l’oublier. Pas étonnant que 80 % des musulmans rejettent Al Qaida et toute forme de radicalisme, comme le soutient Kevin Barrett dans la vidéo en lien plus haut.
Dans ce contexte de violence et d’accroissement du chaos, les chrétiens dont, l’enracinement précède la naissance de l’islam de quelques siècles, sont devenus la dénomination religieuse la plus persécutée dans le monde, tenant compte des persécutions en Afrique et en Asie également.
Alors que le gouvernement de Stephen Harper multiplie gestes et paroles en appui inconditionnel à Israel, qu’il rappelle avec franchise son caractère confessionnel, « la patrie juive », je ne me souviens pas l’avoir entendu s’émouvoir de la persécution réelle et bien d’actualité qui affecte aujourd’hui les chrétiens.
La Russie de Vladimir Poutine, qui a prouvé en 2013 la pertinence de sa politique pragmatique en évitant de justesse l’escalade du conflit syrien, a affirmé également le caractère conséquent de sa lutte contre le fondamentalisme musulman qu’elle ne dénonce pas d’un coté de la bouche pour le soutenir de l’autre. Dans la foulée, faut-il s’en surprendre ? c’est à Vladimir Poutine qu’il faut reconnaître le mérite d’en faire le plus contre la persécution des chrétiens, dans un contexte de laïcité occidentale qui semble mal à l’aise avec son culte patrimonial, serait-ce jusqu’au point de lui refuser chichement toute compassion dans l’épreuve ?
Le Québec s’exprime et s’affirme de plus en plus selon son point de vue, différent de celui du Canada. Ce Noël, Pauline Marois pourrait facilement s’affranchir des positions favorites de Stephen Harper, tout en se gardant de toute polémique. Je suis persuadé que les Québécois apprécieraient que Pauline Marois touche un mot de la persécution des chrétiens dans son message de Noël, indiquant par là que les Québécois n’y sont pas insensibles.

lundi 28 décembre 2015

L'analyse politiquement incorrecte du féminisme par la sociologue Nicole Gagnon

La sociologue Nicole Gagnon, professeur retraitée (1999) de l'université Laval, donne une entrevue l'année de sa retraite dans laquelle elle exprime des vérités politiquement incorrectes. Continuatrice discrète du renommé Fernand Dumont, elle s'exprime sur la société québécoise, l'éducation et le féminisme.
Sur le féminisme, elle fait, par l'importance qu'elle accorde à la différence entre les femmes bourgeoises et les femmes de la classe ouvrière, une analyse qui n'est pas très différente de celle que fait Alain Soral sur la même question, à la différence que Nicole Gagnon colle son argument sur la réalité québécoise et ne réfère pas explicitement à la lutte des classes. Comme cette entrevue date de plus de 16 ans, cela en rehausse à mon sens l'intérêt car toujours pertinente.

Source : http://www.fss.ulaval.ca/cms_recherche/upload/aspectssociologiques/fichiers/ito2002.pdf

Quelques extraits de l'entrevue sur le féminisme :

A.S. Comment pensez-vous l’histoire du changement des droits des femmes au Québec?
N.G. Je pense que les mouvements sociaux se donnent beaucoup plus d’importance qu’ils en ont. Les choses changent, les mouvements sociaux ne font qu’exprimer des changements qui existent sans eux. Par exemple, quand on dit que le féminisme a gagné le droit de vote des femmes, c’est passablement faux. Pendant des années, les féministes réclamaient le droit de vote et les messieurs leur répondaient « merci mesdames » et s’en moquaient. Les femmes ont eu le droit de vote quand est arrivé un premier ministre libéral. Ce n’était pas à cause de pressions, il trouvait ça normal, c’est tout. Actuellement, il me semble que les femmes n’ont absolument rien à revendiquer. La société québécoise a toujours été à forte dominance féminine et, actuellement, c’est très clair que ce sont les femmes qui ont le bon bout du bâton. Elles n’ont rien à réclamer et inventent je ne sais trop quoi pour se justifier. J’ai une très mauvaise idée sur le féminisme. Je n’ai jamais été féministe, je me suis découverte antiféministe très jeune. Je le raconte dans mon petit livre. Quand j’étais dans l’assemblée des étudiantes, ils voulaient mettre un comité des activités féminines. Il n’y pas de raison d’avoir un comité, un ghetto pour les femmes. Les femmes sont comme tout le monde. Dès ce moment-là, j’ai été assez allergique à l’idée d’institutionnaliser un particularisme féminin.

A.S. Dans votre livre L’antiféministe, vous critiquez la féminisation de la langue française, par exemple.
N.G. C’est incroyable. Ils sabotent la langue. Ça n’a aucune utilité. Il faut qu’ils se donnent des missions parce qu’en réalité, l’égalité des femmes, ça fait longtemps qu’elle existe. Il y a la pauvreté des femmes, mais il n’y a pas seulement les femmes qui sont pauvres. Il y a des pauvres et ils ne sont pas plus femmes que mâles. C’est une calamité publique!

A.S. Vous critiquez également la politique de discrimination positive envers les femmes.
N.G. C’est épouvantable. On veut faire la même chose avec les « ethniques ». Ça, c’est une chose terrible. Par exemple, si on met une espèce de quota pour engager des « ethniques » dans la fonction publique, quand tu arrives avec ton quota, tu n’as pas besoin d’être bon, hein ? C’est de la perversion complète. D’ailleurs, à l’Université, il n’y a jamais eu le moindre préjugé contre les femmes. Au contraire, il y a eu préjugé favorable. Mes collègues veulent avoir des femmes. Ils sont moins exigeants pour un candidat femme que pour un candidat homme. Parce qu’ils veulent en avoir. C’est insultant pour la personne.

A.S. Le Québec n’a-t-il pas besoin du féminisme?
N.G. Ce n'est pas le féminisme qui a gagné des droits aux femmes, c’est un mouvement de société. C’est un mouvement très naturel pour une société moderne qui a une longue tradition de dominance féminine. Ça remonte à la Nouvelle-France. À l’époque, dans la société française, le système était peut-être patriarcal, mais transplante un jeune couple, mets- le dans le fond d’un champ : il y a une situation qui oblige à l’égalité. L’homme a besoin de la femme, la femme a besoin de l’homme. L’égalité s’est instaurée dans les familles paysannes à cause des conditions de vie. La famille ouvrière est devenue matriarcale, parce que chacun avait le pouvoir de ses fonctions. L’homme fait telle chose et la femme fait telle chose. Dans les grandes villes, le père perd toute fonction dans la famille. Sa seule fonction, c’est d’apporter le salaire. Alors c’est la femme qui prend le dessus. La famille ouvrière est devenue très matriarcale, la famille bourgeoise, non. Dans la famille bourgeoise, c’est le mari qui a gagné, alors ce sont les bourgeoises qui ont protesté. La famille bourgeoise était un petit peu à dominance mâle.
Le mouvement féministe est né chez les bourgeoises qui se sentaient un peu dévalorisées. Il y avait une loi très archaïque sur le mariage : la femme n’avait pas le droit de posséder des biens, mais dans les familles pauvres ça n’avait pas tant d'importance, vu qu'il n'y en avait pas de biens. La femme ne s’en rendait pas compte. La bourgeoise s’en apercevait. La loi a été changée. Il n’y a pas eu de débat. Il y avait une loi rétrograde, il fallait la changer, et elle s’est changée très facilement. Avant, la femme mariée était comme empêchée d’avoir des biens. Elle avait besoin de la permission de son mari pour faire toutes sortes d’affaires. Les femmes célibataires, non. C’était l'idée que la famille était la cellule de base. 

samedi 26 décembre 2015

Les possibles et les limites de l'indépendance dans un monde unipolaire

(version définitive du 28 décembre 2015)

Gilles VERRIER



Tenir un référendum «le plus tôt possible après la prise du pouvoir» (http://vigile.net/Independance-s-unir-et-agir) continue de susciter bien des émois chez les indépendantistes. Pour PKP, marchant dans les pas de Jacques Parizeau, le référendum serait la seule voie de la légitimité. Une orthodoxie que rejette parmi d'autres Claude Bariteau qui, en regard de la loi sur la Clarté, soutient que l'absence d'un accord avec le Canada sur l'environnement référendaire ferait de l'élection le seul choix possible du Québec pour décider de son destin, citant en appui les cas de la Namibie et des pays baltes. (http://vigile.net/Nouvel-article-No-65897).

Pas en reste, Alain Raby ( http://vigile.net/Le-mouvement-declarationniste défendait récemment le recours à la Déclaration unilatérale d'indépendance (DUI), arguant qu'une quinzaine de pays membres des Nations-Unies ont accédé à leur indépendance de cette façon depuis 1991. Il fournit en complément une liste (partielle) de pays devenus indépendants sans référendum préalable, nuançant que cela n'exclue pas un référendum de ratification après. La DUI a déjà fait l'objet d'éloquentes prises de position (http://vigile.net/Declaration-unilaterale-d-42268?t=22 ) et constituait d'ailleurs la voie que retenait Option nationale, jusqu'à ce que l'on revienne à une position plus orthodoxe. Campé dans sa priorité sociale, Québec solidaire préconise la convocation d'une assemblée constituante populaire pour jeter les bases d'une constitution souveraine, une position reçue avec scepticisme dans les rangs péquistes mais qui se défend face à la fragilité de l'argumentaire référendaire.

L'indépendance dans le monde, une diversité d'approche

La diversité des approches indépendantistes en vogue dans le Québec d'aujourd'hui se situe dans la diversité plus large des approches qui ont réussi à travers le monde, et l'on se prend à se demander pourquoi les indépendances ne font pas l'objet de plus d'études, dont une classification de leurs processus et de leurs fondements. À ma connaissance, l'inventaire des processus employés dans l'histoire moderne pour accéder à l'indépendance ne se trouve nulle part. Certes, dresser la typologie des indépendances pose plusieurs difficultés dû au fait que chaque passage à l'indépendance (plusieurs centaines de nouveaux pays depuis 200 ans) se présente rarement comme appartenant à un seul type. Par conséquent, tenter de construire une typologie serait forcément un projet perfectible mais déjà utile si le résultat permet d'introduire certaines distinctions dans un classement susceptible de regrouper tous les événements d'indépendance. En ce sens, une meilleure connaissance du phénomène peut servir d'outil de réflexion et de mise en perspective, aider à situer plus correctement le cas du Québec dans l'ensemble mondial.

Dans la foulée, il ne fait pas de doute que les militants et les cadres indépendantistes devraient acquérir une expertise mondiale sur toutes les dimensions de l'indépendantisme. Il faudrait favoriser l'émergence d'une ample culture en rapport avec l'indépendance légitime, de son maintien et de sa défense en présence d'un mondialisme idéologique au tropisme prédateur de nations. Il est vrai que pour y arriver, compter sur nos propres forces est un choix qui s'impose naturellement puisqu'il est pratiquement exclu que les universités, devenues les obligées des chaires de recherche du Canada, s'engagent sérieusement dans ce créneau comme elles le feraient si elles étaient libres de travailler pour le Québec. En contre partie, un futur institut de recherche sur l'indépendance, promis par PKP, pourrait s'y intéresser sans restriction, même si rien ne semble acquis à cet égard. En attendant je vous livre ma modeste contribution.

Classification des indépendances

Je tenterai de dresser une classification des indépendances en tâchant de montrer les modes par lesquelles elles sont advenues et je donnerai des exemples parfois commentés. Dans un deuxième temps, j'aborderai la question des événements déclencheurs d'indépendance pour finir avec des remarques en ce qui concerne les référendums et la fixation particulière du mouvement indépendantiste québécois, surtout péquiste, sur cette question.

Types d'indépendance
1- Accord de gré à gré ou accord négocié en présence d'un rapport de force établi et de deux États concurrents

Cas de l'indépendance octroyée par la Grande-Bretagne à l'Égypte en 1922
Cas de la Norvège, indépendance obtenue de la Suède

2- Déclaration unilatérale d'indépendance (DUI) avec derrière, pour les cas les plus réussis, une forte volonté populaire, parfois organisée, pour que cède l'État colonial;

Cas des États-Unis d'Amérique – déclarée en 1776, État de facto qui obtint sa reconnaissance internationale (de jure) sept ans plus tard, de manière essentielle de la Grande-Bretagne, en 1783
Cas de la Déclaration d'indépendance du Bas-Canada en 1838 par Robert Nelson à Noyan, accompagné de 300 Canadiens en armes (http://www.1837.qc.ca/1837.pl?out=article&pno=document62)
Cas (autres) : Philippines (Espagne 1898); Bangladesh (Pakistan 1971); Slovénie et Croatie (Yougoslavie 1991);
Cas d'échecs : Biafra, sécession ratée du Nigeria (1967); Rhodésie (1965) scession de la Grande-Bretagne pour instituer un État officiellement ségrégationniste devenu depuis le Zimbabwé.

3- Délestage colonial La volonté de l'État colonial de se départir d'une colonie devenue une charge tout en cherchant à préserver ses intérêts, en présence de pressions populaires inscrites dans le cadre général du recul colonial européen de première génération.

Cas des colonies britanniques dont les rapports avec la métropole seront restructurés au sein du Commonwealth et par le biais de relations bilatérales privilégiées. Concerne le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande ainsi que les colonies africaines et asiatiques du domaine colonial britannique.
Cas de la France en Afrique avec le franc CFA, etc.
Cas général du domaine colonial espagnol

4- Démembrement extérieur Il s'agit d'accessions à l'indépendance qui ne se produiraient pas sans la volonté de démembrement de pays existants par des puissances étrangères pour servir des intérêts géo-politiques globaux (cas des États-Unis avec ou sans l'OTAN). Ce redécoupage des cartes peut prendre des accents néo-coloniaux. C'est un processus moderne qui fait largement appel à «l'idéologie de l'humanitaire» ou «sécuritaire», c'est selon et s'accompagne souvent de l'exacerbation délibérée des tensions ethniques, religieuses ou territoriales.

Cas d'Israel, cas tardif d'une implantation coloniale de peuplement sur le territoire d'une population déplacée ou superposée sur elle, opération parrainé par la Grande-Bretagne.
Cas du Kosovo dans le cadre du démembrement de la Serbie par l'OTAN,
Cas du Soudan / Soudan du Sud ?
Cas des républiques auto proclamées (voir DUI précédée d'un référendum) de facto (voir plus bas) des républiques de Donetsk et de Lugansk, poussées hors de l'Ukraine par l'expansionnisme de l'OTAN (coup d'État, encouragement de la russophobie et de l'ukro-nazisme).
Cas de la France de de Gaulle, celle du «Vive le Québec libre», qui sans pouvoir prétendre au démembrement du Canada de l'extérieur, intervint comme l'expression d'une volonté (restée sans suite) de contenir l'essor de la projection de puissance anglo-saxonne dans le monde.
Cas anticipés aujourd'hui de menaces sur l'intégrité territoriale de l'Irak, de la Libye et de la Syrie.

NOTE IMPORTANTE  : À l'instar de l'Écosse et de la Catalogne, respectivement intégrés dans l'OTAN par la Grande-Bretagne et l'Espagne, il faut considérer le Québec comme un cas pour lequel ne joue en sa faveur aucune force extérieure intéressée par le démembrement du Canada. Malgré le commerce important du Canada avec la Chine, celle-ci n'a aucune influence sur le Canada. La Russie est totalement discréditée dans l'opinion publique par une médiacratie aux ordres et n'a pas davantage d'influence, admettant qu'elle soit intéressée. La France est entièrement sous domination de l'OTAN (via l'Union Européenne) et ne pourrait retrouver certaines sympathies en faveur de l'indépendance du Québec que dans le cas de l'élection d'un gouvernement du Front national. Ce que voit d'un mauvais œil Sol Zanetti (Option nationale), adoptant ainsi une position «trotskyste» qui donne la préséance à la politique du «bien dans le monde» plutôt qu'aux intérêts bien compris du Québec. Peu lui chaut que la seule présidentiable (Marine Le Pen) qui défend un tant soit peu l'indépendance de la France soit la seule à pouvoir éventuellement sympathiser avec notre cause.
Par conséquent, le Québec est seul comme une barque en mer et ne peut se laisser séduire par le nombre de pays qui accèdent à leur indépendance car, comme on le voit, au nombre des indépendances récentes, il s'en trouve de nombreuses qui sont des indépendances fabriquées en tout ou en partie de l'étranger.
Quel chance reste-t-il aux nations subordonnées comme le Québec, ces cas ou aucune puissance étrangère ne veut briser le Canada? Le Canada étant déjà membre de l'OTAN et soumis à son leader étatsunien, «la puissance indispensable» ? Il faudra y réfléchir! Entre temps, la tentation est grande de penser qu'une éventuelle indépendance serait une souveraineté limitée (culturelle, représentation internationale, etc.), réalisable uniquement après avoir donné des gages à l'OTAN.
5- Indépendance de facto Ces territoires dont le statut définitif n'est pas encore fixé. Généralement absents de l'ONU, reconnus par quelques pays, parfois plusieurs, mais pas universellement reconnus. Ils disposent du rapport de force nécessaire pour jouir d'une certaine indépendance pratique mais n'ont pas la capacité de déclarer leur indépendance légale, de jure, sans risquer que leur existence soit menacée ou provoquer le déclenchement d'hostilités. Se compare avec 240 ans d'écart à la situation des États-Unies entre 1776 et 1783!

Cas du Kosovo, reconnu par plus de 100 pays
Cas de la Transnistrie, du Somaliland, du Haut-Karabagh, de l'Abkazie et de l'Ossétie du Sud
Cas de la Palestine


6- Guerre de libération L'indépendance accordée par l'État colonial à l'issue d'une guerre de libération nationale. Se résout rarement (jamais?) par un référendum mais par la négociation qui conduit à la reconnaissance de la souveraineté, qu'il devient superflu de ratifier par référendum.

Cas de l'Algérie, cas des colonies portugaises d'Afrique (Mozambique, Angola, Guinée Bisau) du Vietnam, de l'Afrique du Sud et du Zimbabwe (Rhodésie), notamment. Dans la plupart des cas, il y absence de structure étatique et institutionnelle permettant de faire avancer les intérêts nationaux. Une situation qu'il importe de distinguer ici de celle du Québec.

7- Lutte de libération pacifique ou principalement pacifique.

Cas du Raj de l'Inde (Grande-Bretagne) qui conduisit aux indépendances de l'Inde et du Pakistan. Comme dans le cas de la guerre de libération, l'absence d'une structure étatique est remplacée par la vigueur de la résistance populaire.

Les déclencheurs /accélérateurs de l'indépendance

L'indépendance, le passage du pouvoir d'un État à un autre, peut se faire de gré à gré mais il est rare qu'il se fasse sans une montée des tensions. Dans la période qui précède le dénouement politique de la question nationale, le rapport de force entre les parties s'exacerbe et prend la forme d'une crise suscitée et nourrie par deux types de déclencheurs /accélérateurs que j'ai pu distinguer et que j'illustre par des exemples du Canada-Québec.

1- Une affaire litigieuse devant le parlement qui, si l'affaire est menée sans flancher, peut évoluer pour atteindre le point de rupture.

a) Ce qui fut le cas en 1834-1837-38 – si on admet que la rébellion a été provoquée pour être écrasée dans l'oeuf – on peut poser raisonnablement l'hypothèse que sans la répression qui a suivie la lutte parlementaire entamée en 1834 aurait fini par aboutir
b) Plus récemment le cas de l'échec de l'accord du lac Meech qui a fourni la meilleure occasion au Québec de déclarer unilatéralement son indépendance (par Bourassa, en 1990, qui l'a presque fait d'ailleurs...) et de tenir immédiatement après un référendum de ratification que tous les sondages donnaient gagnant.

2- Des événements extérieurs qui ont un effet catalytique sur les conditions internes : guerre, crise...

a) Cas de la pendaison de Louis Riel en 1885 à Régina, qui fut l'occasion de soulèvements importants au Québec pendant une semaine avec en pointe 50 000 montréalais dans la rue.
b) Cas la crise de la conscription de 1918 ponctuée de troubles dans la ville de Québec avec présence des forces armées. Une partie de l'élite canadienne-française derrière la cause, Henri Bourassa et une partie du clergé.
c) Faut-il anticiper l'effondrement économique du Canada ou des États-Unis ?


Référendum – sa pertinence (rarement) et ses mirages (souvent)

Les deux référendums tenus au Québec le furent pour signifier au fédéral la volonté du Québec de s'asseoir à la table de négociation. L'histoire des indépendances tend à montrer que lorsqu'un État offre la possibilité d'un gouvernement fort, comme le Québec, il ne devrait pas y avoir de référendum sur un tel enjeu. L'obligation de négocier tient davantage de facteurs comme la légitimité, la pugnacité du gouvernement provincial, l'habileté politique, l'avancement de certains dossiers ainsi que de l'expression de la volonté populaire. En d'autres termes, elle tient du rapport de force qui évolue entre deux entités séparées par un litige, la partie demanderesse s'efforçant d'amener l'autre à négocier. Ce qui nous amène à pousser les distinctions sur la question référendaire.

Référendum de ratification de l'indépendance
Si un référendum peut constituer en temps opportun un instrument souhaitable, il n'apparaît pas comme un passage obligatoire dans le processus d'accession à l'indépendance de la majorité des pays. Pour le cas particulier du Québec, des attentes référendaires fortes ont été créées dans l'histoire récente sous l'influence de Claude Morin. Il aura fait du référendum un point de doctrine alors que celui-ci aurait dû demeurer un moyen d'action politique asservi à la stratégie et à la tactique. Or, il appert que la doctrine référendaire de Claude Morin a été vite avalisée par la direction du PQ qui ne disposait pas d'une volonté claire d'opérer un changement de statut pour le Québec. Le résultat est que cette confusion des genres n'a jamais été combattue adéquatement par le caucus et les intellectuels de la mouvance péquiste. Ces années Morin ont eu pour effet de ramener le large boulevard de l'accession à l'indépendance à un étroit sentier. Encore aujourd'hui, le Québec reste largement captif de ce que j'appelle la «fixette» référendaire, laquelle ne pourra être neutralisée que par une meilleure éducation politique. Entre temps, le «référendisme» en 2015 constitue toujours la doctrine officielle du Parti Québécois.

Un institut pour mettre le référendum à sa place (entre autres)
Il nous faut anticiper sur l'Institut de recherche scientifique sur l'indépendance. Comme plusieurs, j'aurais souhaité que l'Institut surgisse rapidement, rappelant la vigueur d'un poing fermé au bout d'un bras levé. Force est de constater qu'il y a ici une lenteur que l'on peut redouter comme annonciatrice de lourdeur... L'avenir le dira.

Chose certaine, la nécessité d'aérer la question référendaire est claire. Il faut replacer les référendums dans un contexte élargi, en relativiser l'importance en se rappelant la diversité des expériences nationales à travers le monde. L'utilisation du référendum ne se situe pas tant dans le cadre d'une problématique du pour et du contre. Cet outil s'inscrit plutôt dans le cadre d'une lutte où tous les moyens sont possibles et aucun n'est exclu. Il suffit de redonner à l'esprit la souplesse stratégique qui permet de choisir et de doser les éléments de la lutte politique intégrale, sans a-priori.

Un référendum gagné par la peau des dents en 1995 aurait été difficilement gérable. Un référendum gagné de peu dans quelques années (supposant que cela soit possible) le sera encore moins. Toute la haute fonction publique est occupée par des libéraux. Il en va de même de l'appareil judiciaire et des sociétés d'État, comme la Caisse de dépôt et de placement, les missions étrangères, et autres dépendances de l'État. Tout cet État profond, mis en place de longue date par les libéraux, allant des notables jusqu'aux malfrats, se fera fort de se constituer en pouvoir parallèle pour résister sourdement aux changements, voir saboter toutes les initiatives gouvernementales post-référendaires. Quant au PQ ? Il est toujours composé de militants et de dirigeants d'une persistante candeur politique qui n'ont pas voulu prévoir de plan B en cas de courte défaite en 1995, misant tout sur l'absolutisme référendaire, et de ces politiciens «apatrides» qui ont rejeté de leur propre corps un patriote et membre émérite de leur parti, Yves Michaud, dans la plus grande confusion politique, pour attendre ensuite quatre longues années avant de commencer à exprimer de molles excuses. Une situation emblématique des divisions au sein du PQ. Voudriez-vous aller au front, jouer la nation sur un autre va tout référendaire, avec de telles troupes pour affronter un redoutable adversaire planqué dans tout l'appareil d'État?
Si vous répondez oui, je ne donnerais pas cher de votre peau.







jeudi 17 décembre 2015

Référendum ou pas - quelle est la voie la plus fréquente pour accéder à l'indépendance ?

En réaction à cet article de M. Alain Raby

http://vigile.quebec/Le-mouvement-declarationniste#formulaire


Liste des pays ayant déclaré leur indépendance sans référendum :https://www.facebook.com/photo.php?fbid=1735364576691673&set=gm.627531357349381&type=3&theater

Vous pouvez ajouter à votre liste si on remonte un peu plus loin, les États-Unis, le Mexique et les pays d'Amérique du Sud; les pays africains et asiatiques comme les Philippines, le Vietnam, le Cambodge et la plupart des autres colonies. On peut ajouter les pays fabriqués par les puissances impérialistes anglo-saxonnes comme Israel, le Kosovo et les pays héritiers de frontières explosives, découpées arbitrairement par l'État colonial, comme l'Inde-Pakistan avec son Cachemire et son Bangla Desh, oeuvre britannique encore dans ce cas. Il n'y eut pas de référendums à ma connaissance dans tous ces cas, bien que les ententes  pour ce qui est du cas de l'Inde et du Pakistan, prévoyaient un référendum sur la question cachemérie deux ans plus tard, un référendum qui ne fut jamais tenu.

L'examen des processus d'accession à l'indépendance confirmerait que {{le référendum a été jusqu'ici un instrument rarement utilisé.}} La règle semble se partager en deux cas de figure. La DUI (déclaration unilatérale d'indépendance) avec derrière une volonté populaire suffisante, suffisante et indispensable pour que cède l'État colonial; ou, selon l'autre cas de figure, la volonté de l'État colonial de se départir d'un boulet de responsabilité tout en cherchant à préserver ce qu'il peut de ses intérêts. Ce dernier cas figurant souvent l'indépendance en tant que porte d'entrée au néo-colonialisme répandu en Afrique et ailleurs, lequel consiste à piller les ressources en faisant l'économie de la responsabilité coloniale qui obligeait a minima le maintien d'écoles, d'un système de santé et de l'ordre public copiés sur celui de la métropole.

En général, l'indépendance apparaît comme le résultat d'un rapport de force qui se joue tantôt sur les enjeux du moment à fort potentiel de mobilisation : une affaire litigieuse dont se saisit le parlement menée sans flancher et qui évolue pour atteindre le point de rupture. Ce qui fut le cas en 1834-1837-38, de nouveau le cas de l'échec de l'accord du lac Meech et, encore plus récemment l'épisode flash de la condamnation d'Yves Michaud, qui selon moi représentait un potentiel de mobilisation menant à la rupture. En d'autres cas, les circonstances extérieures peuvent avoir un effet catalytique sur les conditions internes : guerre, crise... Prenons ici les cas de la pendaison de Louis Riel en 1885 à Régina, qui fut l'occasion de soulèvements importants au Québec et la crise de la conscription...  Si un référendum peut constituer en temps opportun un instrument dans une panoplie de moyens, il n'apparaît pas comme comme un passage obligatoire dans l'accession de à l'indépendance de la plupart des pays. Naturellement, pour le cas du Québec, des attentes persistantes ont été forgées au Québec sous l'influence de Claude Morin. Cette influence avalisée par la direction du PQ qui ne disposait pas d'un plan clair d'accession à un changement de statut à l'époque fait que cette approche du référendum incontournable a été insuffisamment combattue de l'intérieur en temps opportun. Ces années Morin ont eu pour effet de ramener le large boulevard pas encore totalement exploré de l'accession à l'indépendance à un étroit sentier. Le Québec en a souffert et il reste  encore aujourd'hui trop largement captif de la «fixette» référendaire. D'ailleurs, le «référendisme» en 2015 n'est-il pas toujours la doctrine officielle du Parti Québécois ?

Il nous faut anticiper sur l'Institut de recherche scientifique sur l'indépendance promis par PKP, un institut qui tarde à voir le jour et à propos duquel à peu près rien ne filtre. Soeur Anne ne vois-tu rien venir ? Plus il tarde, plus les Québécois se prennent à s'interroger sur sa composition et sa pertinence. Sera-t-il une autre patente de professeurs d'universités habitués à penser dans le système (par opposition à penser sur le système) ? Sera-t-il pesamment plombé de membres triés sur le volet de ces nombreux retraités du PQ et du Bloc qui ont pu faire du bon boulot politicien mais qui sauf exception n'ont jamais produit le début d'un plan d'accession à l'indépendance  ? De journalistes provenant de la presse système ? De hauts fonctionnaires à la retraite ? De communicateurs ? Une flopée de bonnes âmes qui nous produiront un jour un rapport préliminaire mi-chair mi-poisson de x centaines de pages ? Exagéré ? Peut-être, mais cette figure de style n'a pour but que d'exprimer mon scepticisme grandissant.

Pourquoi je suis sceptique ?
Il y a deux problèmes.
La première question concerne la nécessité de réunir un état major fiable à la tête du grand parti souverainiste, une question qui n'est toujours pas réglée. On parle beaucoup d'unité des troupes ces temps-ci mais trop peu, pour ne pas dire rarement, de la confiance qu'il convient d'accorder à l'état major, à la direction et à l'élite souverainiste en fait. Or, cette question est cruciale et rejoint la question de l'unité des souverainistes. Pour ma part, il sera toujours prématuré de parler d'unité tant qu'un leadership de confiance ne se manifestera pas de manière convaincante. Malheureusement il n'est pas présent, en tout cas pas encore.

Le 6 décembre dernier je plaçais sur Vigile le commentaire suivant :

PKP avancera en terrain miné tant que son parti pourrait garder en son sein ceux qui, comptant sur l’impunité, sont prêts à poignarder dans le dos ses plus sincères membres-patriotes. Des excuses officielles du Parti québécois, qui réhabilitent entièrement Yves Michaud s’imposent avant le quinzième anniversaire et des blâmes avec sanctions devraient être adressées nommément à tout ceux qui ont participé à cette infamie. Voilà le premier geste à poser qui pourrait convaincre tout le monde que PKP a mangé ses croutes et qu’il a la stature d’un chef d’État. Soit la capacité de trancher. Il est impossible de faire l’économie de ce rétablissement de l’honneur, de ne pas « sauver » nos soldats, en ce cas le soldat Michaud, si l’on veut ouvrir avec un minimum de crédibilité le chemin pour d’autres chantiers. 

Or, j'étais tout à fait sérieux dans cette prise de position qui vise à interdire non seulement de se présenter aux élections mais également de priver d'accès aux postes clé de l'appareil du parti tous ceux et celles qui ont pris quatre ans avant d'exprimer mollement leurs premières excuses. Sans sortir les gros mots, que je ne veux pas employer, il est clair que le manque de discernement, le manque de sens patriotique, le manque de fidélité à la cause qu'ils prétendaient défendre ne leur permet plus d'occuper des fonctions décisionnelles. Agir fermement à cet égard serait une premier pas dans le processus de mise à l'ordre, de retour à la crédibilité et à la confiance.

La deuxième question concerne la volonté de défendre les frontières et les intérêts économiques de la patrie contre les prédateurs apatrides. PKP représente une bourgeoise nationale qui veut garder ici ses usines, ses centres de décision et son argent. Il faut que des positions plus explicites soient prises en regard de la défense des intérêts nationaux sur tous les plans, ce que le Parti québécois sous influence des idées et valeurs mondialistes a refusé de faire jusqu'ici, si bien que l'on se retrouve dans un projet de souveraineté dont on a peine à distinguer les contours. Patriote ou quisling ? Nous aurons l'occasion d'y revenir.

J'aurais souhaité que l'Institut surgisse comme une flèche. Comme en continuité de ce que fut un jour un poing fermé au bout d'un bras levé. À tout considérer, le retard qu'accuse le projet rappelle que l'institut ne sera jamais qu'un reflet de la volonté d'un partie de la population qui voudra bien s'armer sur les plans politiques, historiques et en toutes les matières utiles à l'accomplissement de son destin national. Pour un volet, la question se pose donc de développer ce que je viens d'évoquer plus haut.  Produire en quinze ou vingt pages des réponses rigoureuses, soutenues et bien étayés par trois à quatre pages de solides références, l'Institut aura déjà accompli quelque chose. Mais combien de temps faudra-t-il attendre pour que cela se matérialise ?

Les questions (provisoires) auxquelles il presse de répondre se résumeraient ainsi  :

1- L'occurrence des référendums dans les passages à l'indépendance
2- Le poids de la volonté populaire dans les basculements en faveur de l'indépendance
3- Qualifier l'importance des luttes parlementaires de préparation, de rupture et de dénouement portés par les États provinciaux et semi-indépendants
4- Un examen des États semi-coloniaux de tradition européenne (cas du Québec) afin de retracer leur processus d'accession à l'indépendance, Norvège, Catalogne, Écosse
5- Répertorier et comprendre les exemples de forcing, là où des États subordonnés deviennent des États de fait et ensuite des États de droit, cas des États-Unis, et les cas prégnants des États de facto d'aujourd'hui en ballottement : Palestine, Transnistrie, Haut Karabach, les républiques de Donest et de Lugansk.
6- Le droit international, ses ambiguïtés et ses failles en matière de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Voilà quelques questions, un point de départ qui permettrait de tromper l'attente paralysante qui entoure la création du fameux institut que certains nous annoncent maintenant pour avril ou juin 2016. Ne vaudrait-il pas mieux démarrer de façon embryonnaire tout de suite que de  faire en «plus gros» et en «plus prestigieux» sous les feux des projecteurs pour aussitôt décevoir et risquer l'explosion en vol ? Je me pose la question.

La nécessité d'aérer la question référendaire apparaît claire. Il faut que les nouvelles études promises et dont rien ne justifie l'attente replacent les référendums dans un contexte élargi. Il faut en relativiser la portée en se fondant sur l'ensemble des expériences nationales à travers le monde. L'utilisation du référendum ne se situe pas dans le cadre d'une problématique du pour ou du contre. Au contraire, cet outil s'inscrit dans le cadre d'une lutte où tous les moyens sont possibles et aucun n'est exclu. Il suffit de redonner à l'esprit sa souplesse, la souplesse stratégique du combattant qui voudra doser les éléments de la lutte politique intégrale sans a-priori.